Mon sac à dos pèse lourd sur mes épaules et il me semble que je marche depuis toujours dans ces forêts. La bruillard descend, et je commence à douter que je suis sur le bon chemin, car mon GPS me montre légèrement hors route, et ça monte alors que je devrais descendre. Le sentier vents dans le jungle en bouillie. Ce n’est pas comme les autres sentiers bien balisés et larges de l’Himalaya népalais: ce chemin n’a pas l’air d’être trop fréquenté. Je n’ai vu personne de la journée, sauf les habitants du village qui est à deux heures derrière moi. Si deux maisons peuvent constituer un village.
La plupart des gens qui vont se retrouver sur les sentiers de la vallée de Hinku sont en route pour gravir le sommet du Mera. Ainsi, beaucoup d’entre eux vont rater la meilleure partie: la forêt moins fréquentée, les petits villages où le visage des gens s’illumine lorsqu’ils voient un étranger, les lacs Panch Pokhari et les sentiers de relief varié. La vallée de Hinku devrait être une destination en soi, pas seulement un passage pour aller ailleurs. Pourtant, il est préférable de prévoir un porteur et/ou un guide puisque l’hébergement est très basique et rare, et le sentier n’est pas très facile à suivre.

Le moyen le plus facile pour accéder à la vallée de Hinku est avec un vol de Katmandou à Lukla. De là, au lieu de tourner à gauche et de prendre le chemin le plus connu jusqu’au camp de base de l’Everest, vous tournez à droite et vous entamez le chemin de la forêt avec le plus grand nombre d’ours au Népal, vers Chutanga. Au dessus du village de Chutanga il faut passer le col de Zatrwa La (4.620 m). Après le col, vous descendez dans la vallée de Hinku.
Cependant, si vous souhaitez explorer plus de la vallée et ne pas grimper à 4.600 mètres en deux jours, vous pouvez soit aller de Lukla vers Panggom, soit prendre un jeep pour Salleri, depuis Katmandou, et commencer votre randonnée là-bas. De Salleri à Panggom ou Lukla, cela vous prendra de trois à cinq jours, selon votre rythme et votre condition physique. J’ai choisi l’option longue et difficile de marcher depuis Salleri. À Kharikola, vous quittez le chemin fréquenté qui mène vers Lukla / EBC et vous commencez votre voyage solitaire.
Je m’assis sur un rocher, au bord de la rivière et un lourd soupire m’échappe. Je me sentais épuisée. Toute la journée j’ai oscillé entre la joie d’être seule dans une forêt d’une beauté envoûtante et le désespoir de ne pas savoir à quelle distance se trouvait le prochain village (en heures, pas en kilomètres), et quand est-ce que je reverrais une autre personne. J’ai pris un moment pour admirer la beauté autour de moi: le brouillard qui va et vient, les grands arbres avec des troncs pleins de mousse, le chemin couvert de feuilles tombées, les textures et les couleurs terrestres.

Sur ce chemin, même la carte ne m’est pas utile, car elle n’est pas très précise. J’étais très contente d’avoir une tente avec moi et de la nourriture. J’ai décidé de camper juste avant Chatra Khola. Cependant, je ne vous recommanderais pas de faire la même chose, car il y a des ours dans cette zone, comme je l’ai appris un peu plus tard. Entre Sibuje et Thaktok (où le chemin rejoint le sentier venant de Lukla), il n’y a pratiquement pas de maisons où vous pouvez vous reposer. À Chatra Khola, il n’y a qu’une seule maison qui n’est même pas un maison de thé, mais vous y trouverez un abri et de la nourriture. À partir de Kothe, en direction du camp de base de Mera Peak, le trek est plus facile, plus fréquenté et l’hébergement est meilleur. A Kothe, c’est l’endroit où vous payez le permis pour entrer dans le parc national de Makalu-Barun.
Vous pouvez aller jusqu’à Khare et même Mera La (le col au-dessus du camp de base, d’où vous pouvez déjà voir le sommet de l’Everest) sans avoir besoin d’un permis pour grimper le sommet. Si vous voulez quand même essayer de gravir le pic de Mera, un sommet de plus de 6.000m, vous pouvez tout arranger à Khare.
Dans le village de Kothe, j’ai entendu parler des lacs magiques de Panch Pokhari, situés à 4.600 mètres d’altitude, et considérés comme un lieu de pèlerinage sacré par les locaux. Même si le sentier n’était pas sur la carte, les villageois m’ont assuré que c’est un chemin plutôt évident, plus fréquenté et plus facile à parcourir que celui que j’avais emprunté depuis Sibuje. C’est une longue journée de marche depuis Kothe jusqu’à Panch Pokhari, avec une montée raide de 3.500 mètres à 4.600 mètres. C’est de l’autre côté de la rivière que le chemin qui vient de Lukla et en effet c’est un très joli sentier. Il faut quand même savoir que la montée est continue et assez épuisante. Il n’y a qu’une seule maison de thé, juste avant les lacs. Si vous vous lancez sur ce sentier, assurez-vous de pouvoir camper et avoir votre propre nourriture, au cas où vous ne pourriez pas arriver jusqu’au bout. Mieux vaut avoir un guide et un porteur avec vous. Sur certaines cartes, ce sentier ne figure même pas.

Est-ce que ça vaut le coup? Absolument! Quand j’ai atteint les lacs, c’était presque le coucher du soleil. Une mer de nuages s’étendait en dessous de moi. Le même brouillard qui m’avait pesé quand j’étais en dessous, dans la forêt, était maintenant la scène parfaite pour le coucher du soleil. De l’autre côté de la vallée de Hinku, je pouvais voir la fameuse vallée de Khumbu, avec ses sommets majestueux. La lumière était douce. Tout était calme. Les échos d’un portier descendant vers la maison de thé étaient le seul son. Les petites vagues du lac, faites par le vent brouillaient le reflet parfaitement bleu.
D’ici, la descente est presque sans arrêt jusqu’à Kiraule, qui se trouve à 2.000 mètres plus bas. Ils vous faut des genoux forts pour le faire dans la journée, mais le sentier est plus facile et il y a quelques villages sur le chemin, pour faire des arrêts intermédiaires si besoin. De cette côté la vallée est moins accidentée, avec des collines plus douces et une agriculture florissante. Kiraule est un véritable village himalayen, étendu sur une colline entière, avec un beau monastère entouré de grands arbres. Pour retourner à Katmandou, vous trouverez des jeeps partagés à Bung – à deux heures de marche depuis Kiraule.
Ceci fût l’un des treks les plus reculés que j’ai parcourus au Népal. Ce qui m’a vraiment marqué c’est la beauté de la forêt: dense, avec de nombreux oiseaux ainsi que des ours et des renards (j’ai vu un renard près du village de Kothe). Les points forts de ce trek incluent des beaux paysages de collines brumeuses de l’Himalaya, des vues incroyables sur les montagnes y inclus de l’Everest (de Mera La, vous voyez tous les sommets de la vallée de Khumbu ainsi que Kanchenjunga, Barunte et Makalu), un petit monastère qui était un lieu de méditation de Guru Rinpoché, le lac sacré de Panch Pokhari et les villages traditionnels himalayens de Kiraule et Bung.
Si vous voulez découvrir la véritable nature sauvage de l’Himalaya et trouver la solitude, vous devriez certainement envisager la randonnée de la vallée de Hinku.
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