• culture et la tradition
  • 16 juin, 2020

Lubra, le village caché de religion “bon” du Bas Mustang

Lubra, le village caché de religion “bon” du Bas Mustang

Le circuit des Annapurnas est l’un des itinéraires de randonnée les plus populaires au monde. En 2017, un total de 158.000 touristes internationaux ont visité la zone de conservation de l’Annapurna, dont un nombre record de 27.000 randonneurs étrangers. Cependant, le village semi-aride de Lubra (également appelé Ludak), niché loin dans les gorges Panda Khola du bas Mustang, sur le côté sud du col de Lubra (environ 4000 mètres) en venant de Muktinath, reste encore très peu fréquenté.

Après l’achèvement, en 2007, de la route qui va jusqu’à Muktinath sur la rive ouest de la rivière Kali Gandaki, on a développé le Sentier de Randonnée Alternatif de l’Annapurna (Annapurna Alternative Trekking Trail). Ceci s’est réalisé en étroit dialogue avec les communautés locales, y compris celle de Lubra. L’idée derrière le nouveau sentier était de fournir un itinéraire de randonnée à pied, loin du trafic routier, afin de soutenir le tourisme dans les villages le long du circuit traditionnel des Annapurnas. Bien que la plupart des villages au-dessus de Jomsom aient une connectivité routière, Lubra reste plutôt non connectée, ce qui permet aux visiteurs de profiter du calme du village et du murmure de la rivière, sans être perturbés par le bruit de la route.

Les indigènes de Lubra, qui croient que leur village a été fondé vers la fin du XIIe siècle, ont préservé leur mode de vie traditionnel. Parmi ces traditions, on retrouve la pratique de l’ancienne religion “bon ». Lubra, un village qui compte seulement quatorze familles, est l’un des rares villages entièrement de religion “bon” au Népal. Selon la légende locale, le Bon Lama Yangton Tashi Gyaltsen est venu du Tibet via Dolpo et a soumis les esprits locaux malveillants, permettant à la région de devenir propice pour le peuplement. Il a planté un noyer, en guise de divination, pour déterminer si un village y prospérait. L’ancien noyer tordu survit à ce jour.

Une fois apprivoisé, l’esprit le plus puissant du lieu a creusé une grotte ensoleillée pour la méditation sur la colline en face du Panda Khola de Lubra d’aujourd’hui, en tant qu’offrande à Yangton Tashi Gyaltsen, afin qu’il ait un endroit pour sa pratique. Le nom “Lubra” fait référence aux falaises à texture unique de ce côté du Panda Khola, qui ressemblent à la peau du serpent, étalées et gelées dans le temps sur la paroi rocheuse. Les esprits serpentins Naga sont connus sous le nom de «lu» dans le dialecte Mustangi, un dialecte local du tibétain, et «bra» (également prononcé «dak»), signifie falaises rocheuses.

Traditionnellement, les habitants de Lubra ont construit leurs maisons avec des fondations de pierres empilées l’une sur l’autre et de murs en terre battue, recouverts de toits en terre. Comme dans d’autres villages de culture baragaon et thakali, on décore les murs extérieurs des maisons, avec de l’argile rouge et blanche et on stocke du bois de chauffage sur les bords supérieurs des toits plats. Lubra appartient à l’un des dix-neuf villages de la région de Baragaon du Bas Mustang, qui est mal interprété comme signifiant les «douze villages». La région se trouve au dessus de Jomsom mais en dessous de Lo-Manthang (qu’on appelle à présent le Haut Mustang). “Baragaon” est une mauvaise prononciation népalaise du mot Mustangi “Bar Gun”, qui signifie «la région entre lesdits», se référant à la zone sandwiché entre Lo Manthang au-dessus et la vallée de Thak Khola en dessous.

Comme partout dans l’Himalaya, le changement climatique a modifié le cycle hydrologique et le surpâturage sur les pentes au-dessus du Panda Khola a réduit la capacité du flanc de la montagne à retenir l’eau. Ceci a entraîné la perte de la couche arable à cause de l’érosion et inondations plus intenses. Au cours des cinq dernières années, le ruissellement glaciaire a augmenté rapidement, rongeant les champs agricoles tout au long du lit de la rivière. De nos jours, lors des crues soudaines, la rivière creuse violemment les falaises en dessous du village, entraînant la chute du terrain. Pendant la mousson d’été de 2017, des dizaines de mètres carrés de terres agricoles ont été emportés, ainsi qu’un chorten de 70 ans, un important monument religieux local.

Récemment, les familles de Lubra ont lancé un projet de chambre d’hôtes qui s’appelle Mustang Bon Homestay Village. Le projet à pour but la préservation de la culture et des traditions uniques du Mustang, qui, sinon, se perdaient, peu à peu, en raison de  l’émigration vers l’étranger et des pressions de la modernisation. En proposant aux visiteurs du village un hébergement chez l’habitant et des expériences locales uniques, la communauté espère créer une incitation économique pour les jeunes entrepreneurs à la fois à rester dans le village et aussi à maintenir les pratiques culturelles et les techniques agricoles traditionnelles. Ainsi, les touristes peuvent participer à des danses locales, des danses de masques, des chants culturels et apprendre parallèlement les pratiques agricoles traditionnelles. Ceux-ci comprennent la plantation et la récolte de sarrasin, d’orge, de maïs, de millet, de pommes de terre et d’autres légumes, haricots rouges, arbres fruitiers tels que les abricots, noix, pommes et élevage de chèvres, chevaux, vaches, moutons, poulets et dzo, le croisement commun entre un yak mâle et une vache, plus adapté à l’altitude et au climat.

Au milieu du village de Lubra se trouve un ancien monastère de la religion bon avec des peintures murales et des statues uniques, appelé Yungdung Phuntsok Ling. Ici, un festival de danse masqué qui dure cinq jours a lieu en septembre ou octobre, selon le calendrier lunaire. Il existe d’autres monastères “bon” dans le Bas Mustang, comme à Kobang et Naurikot, mais aucun n’est maintenu, comme celui de Lubra, dans l’ancienne manière traditionnelle de la prêtrise héréditaire. Dans cette tradition le fils aîné de chaque famille doit obligatoirement effectuer des tâches rituelles et participer aux prières dans les jours considérées comme de bon augure, tout au long de l’année. En raison de ce système, les traditions locales ont été préservées d’une manière qui est rare dans les Himalayas de nos jours.

Lors de la visite au Lubra, il faut prendre le temps de s’asseoir dans le petit temple de religion “bon” sur le versant au-dessus du village, appelé Gon Phuk, qui signifie «grotte d’hiver». C’est une grotte naturelle où, le fondateur du village de Lubra, à passé des nombreuses années en méditation. Ensuite, la grotte a été transformé en temple. Du temple, on peut grimper sur les falaises rocheuses au-dessus du village pour voir des anciennes grottes de méditation, qui sont rarement visitées. 

Une randonnée à la journée depuis Lubra amène les visiteurs à voir les ruines d’un camp de l’armée tibétaine de Khampa, d’où les opérations de guérilla ont été menées contre les Chinois dans les années 1960. Pour y arriver, il y a environ deux heures de marche, vers le nord depuis le village de Lubra, le long du Panda Khola de l’autre côté du sentier en descendant du col de Lubra. 

A partir du village de Lubra, il y a aussi un raccourci difficile vers le lac Tilicho, qui est utilisé par les locaux, accessible depuis le nord-ouest en marchant le long du Panda Khola jusqu’à sa source glaciaire dans le Muktinath Himal sur le côté nord du massif de l’Annapurna.

Que vous visitiez le Bas Mustang à pied, à vélo, en moto ou en avion, dans votre pèlerinage au temple sacré de Muktinath, un détour vers le village caché de religion bon de Lubra en vaut la peine.

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Article de Michael D. Smith et Yungdung Tsewang Gurung

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